Un choix structurant pour l'Europe
Philippe Coué
Depuis que les États-Unis ont eu recours à l’industrie privée pour leurs vols spatiaux habités, une dynamique différente est venue bousculer la routine spatiale de ces quarante dernières années.
Une guerre froide non avouée avec la Chine réaccélère le retour de l’Homme sur la Lune et permet de fixer un horizon un peu plus crédible pour l’Homme sur Mars.
Dans ce contexte favorable aux astronautes, l’Europe peine à développer sa dernière pièce du puzzle, celle d’un accès autonome à l’espace pour l’explorer et l’habiter. Que doit-elle faire alors que les autres puissances spatiales – Chine, États-Unis et Russie (et bientôt l’Inde) – sont dans une dynamique de croissance ? En dépit des contraintes environnementales qui bloquent certains sur notre planète, d’autres accélèrent le développement des vaisseaux et des infrastructures qui feront l’astronautique de demain et les « influenceurs » du cosmos d’après-demain.
Cette situation est paradoxale alors que l’Europe maîtrise déjà toutes les technologies pour émanciper ses citoyens de l’atmosphère et de la gravité. Pour Philippe Coué, observateur du secteur depuis 30 ans, il ne s’agit pas de décrire le vaisseau spatial habité que l’Europe devrait développer, mais les raisons pour lesquelles il faut maintenant le réaliser.
Pour le vol spatial habité européen, il n’y a pas d’obstacle, mais beaucoup d’opportunités. Ce recueil est une approche optimiste de l’avenir et une incitation à s’y engager avec résolution.
Axiom Space souhaite développer la première station orbitale privée. Ainsi, après avoir été assemblée à partir de l’ISS, cette infrastructure prendrait son autonomie à la fin de la présente décennie. Ce projet serait l’ultime évolution des vols orbitaux habités américains vers le secteur privé. La Nasa prévoit de devenir un client au même titre que des industriels ou des explorateurs privés.
Le
Starship
de SpaceX, cette super navette spatiale à deux étages entièrement réutilisables sera potentiellement un "game changer" pas seulement pour les vols habités, mais aussi pour le transport spatial mondial. Le
Starship
pourrait « massifier » le transport des femmes et des hommes dans l’espace. D’ici la fin de la décennie, il y aura bien plus d’astronautes amateurs en orbite basse que d’astronautes professionnels »22. Pour la première fois, ce fut le cas en 2021 !
L’astronaute est très fréquemment un ambassadeur et les Européens qui ont volé dans le cosmos ont porté les composantes du Vieux continent au niveau international. Ces actions ont contribué au soft power de l’Union.
Les vols spatiaux habités mis en œuvre en Europe permettront
aussi de suivre la dynamique des grandes puissances spatiales pour vivre et travailler dans plusieurs stations spatiales et sur les terres du ciel. L’Europe ne peut ignorer cette nouvelle étape de la civilisation dans le cosmos. Le renoncement à suivre cette évolution historique mettrait en question le rapport de l’Europe avec son avenir.
Les grandes puissances spatiales préparent aussi le retour des activités humaines sur la Lune et sur Mars.
Pour la Lune, les Américains s’y préparent depuis 20 ans d’abord avec le programme
Constellation
décidé par l’Administration Bush, ralenti par la suivante, rétabli par le Président Trump avec
Artemis
et poursuivi par le Président Biden.
En Chine, l’Agence spatiale chinoise qualifie le CZ-9 de « lanceur du vol habité martien ». Le responsable du lanceur Long Lehao a même évoqué un calendrier pour atteindre Mars en 2033, 2035 et 2037.
Ces déclarations ne sont pas passées inaperçues aux États-Unis qui ont évoqué à leur tour la conjonction planétaire favorable de 2033.
Que doit faire l’Europe alors que les autres grandes puissances spatiales – Chine, États-Unis et Russie (et bientôt l’Inde) – sont dans une dynamique de croissance dans leurs ambitions spatiales.